La fête des mères
Ce dimanche, les Français fêtent leur maman, comme chaque année le dernier dimanche de mai; exceptionnellement le premier dimanche de juin pour ne pas coïncider avec la Pentecôte, fête religieuse qui parfois tombe le dernier dimanche de mai. Je vous invite à cette occasion à lire quelques lignes de Marcel Proust (1871-1922) dans lesquelles le narrateur évoque sa maman.
Extrait d’ « Un amour de Swann », deuxième partie de Du côté de chez Swann, premier des sept volumes de À la recherche du temps perdu :
« Ma seule consolation, quand je montais me coucher, était que maman viendrait m’embrasser quand je serais dans mon lit. Mais ce bonsoir durait si peu de temps, elle redescendait si vite, que le moment où je l’entendais monter puis où passait dans le couloir à double porte le bruit léger de sa robe de jardin en mousseline bleue, à laquelle pendaient de petits cordons de paille tressée, était pour moi, un moment douloureux. Il annonçait celui qui allait le suivre, où elle m’aurait quitté, où elle serait redescendue, de sorte que ce bonsoir que j’aimais tant, j’en arrivais à souhaiter qu’il vient le plus tard possible, à ce que se prolongeât le temps de répit où maman n’était pas encore venue. » (Marcel Proust, Du côté de chez Swann, Gallimard)
Le vrai hommage de l’auteur à sa maman, reste bien sûr l’anecdote de la désormais fameuse madeleine. Ce petit gâteau délicieusement trempé dans du thé, plonge l’écrivain dans ses souvenirs et déclenche le processus d’écriture de sa grande oeuvre. L’avènement d’un écrivain, comme une seconde naissance offerte par sa maman.
« Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d’abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d’une coquille de Saint- Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. (…) Tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. »